"Bonsoir, est-il écrit, je viens de découvrir votre association (les vins naturels, ndla) et du fond de ma Gascogne, je ne pensais pas que ça existait. J’essaie avec mes petits moyens depuis 2001 de travailler mes quelques barriques de cette façon là. J’aurais aimé être membre. Acceptez-vous d’autres vignerons, quels sont vos critéres pour adhérer ? Merci de me répondre. Je m’appelle Dominique ANDIRAN , du domaine Haut Campagnau à Montréal (32)."L'histoire ne dit pas si il lui a été répondu.
Elle raconte bien en revanche le besoin de renfort (et de réconfort?) de ces vignerons qui, chacun sur leur bout de terre, à travers le pays, tentent de faire du vin sans sacrifier aux standards et aux normes. Selon des méthodes qui font débat. Parfois vivement... Cercles, forums, associations, réseaux amicaux... Plus ou moins tranquilles, plus ou moins radicaux. Parfois un brin sectaire? Tout est bon, en tout cas, pour se sentir moins seul.
Intrigué, je cherche donc notre Robinson sur le net.
Andiran... Haut Campagnau... Clic...
Je découvre vite l'homme et ses 18 hectares (ci-dessus fin janvier), coincés entre de très grands de l'Armagnac et l'impressionnant Chateau Tariquet. Des hectares cultivés en bio entre des alambics centenaires et le plus grand domaine viticole d'Europe... Un journaliste ne pouvait pas rester totalement insensible à un si beau "cliché".
Un clic de plus et voilà notre Asterix des coteaux Gascogne, tel qu'en lui-même, accent du Gers et grand sourire interrogé, par les confrères de bkwine (voir vidéo plus bas):
"Moi je suis un vigneron, explique-t-il. J'aime beaucoup passer du temps dans les vignes. Je suis d'abord éleveur de raisin. Après si le raisin a été bien élevé, le vin, ça marche tout seul".Au loin, on imagine la rumeur des machines qui se relaient sur le millier d'hectares du Chateau Tariquet (photo de droite). Le cliquetis des dix millions de bouteilles qui sortent chaque année de ses chais: "Un projet industriel mais cohérent, m'a prévenu l'ami Jean-Baptiste, ça se respecte". Ici tout le monde, Dominique Andiran compris, reconnaît qu'en relançant le domaine il y a 25 ans, le "copain Grassa "a réveillé le Gers". Il a ressuscité le vin dans cette région où l'Armagnac faisait figure de Dieu unique. Mais tout de même... Quel choc des cultures !
Chez les Andiran, pas question de ces techniques qui ont fait le succes industriel et commercial du voisin. Les uns travaillent des Chardonnay, Chenin ou Sauvignon qui font leur fortune à l'export, rachètent des milliers d'hectares en Roumanie. Les autres, au contraire, s'apprètent à passer de 18 à 8 hectares. Ils sortent à peine 20.000 bouteilles par an. Et s'ils ne s'interdisent rien (Chardonnay, Merlot), ils préfèrent plonger profondément dans les racines du cru. En dix ans, Dominique Andiran, ancien moniteur de voile reconverti dans le vin, a replanté certes... Mais beaucoup de ces vieux cépages gascons aux noms oubliés : Colombard, Manseng, Muscadelle et autres Petits Courbus.
Et il cultive à l'ancienne...
"Je suis un feignant, m'expliquera plus tard Dominique. C'est le raisin qui fait le boulot. On va travailler avec des levures indigènes. Jouer avec les lunes pour les soutirages et les mises en bouteille (selon les méthode des la bio-dynamie, ndla)... Parce que lorsque la lune descend, l'attraction terrestre est plus importante. Donc la matière est attirée au fond. Comme ça, je ne tire que du clair. Ca évite le collage et les filtrations. Moi, je veux le moins d'intervention possible pour laisser la nature s'exprimer. Après, ce que j'ajoute, c'est une fermentation longue en barrique : jusqu'à 2 ans, selon les vins."
Et au delà des polémiques, le résultat est là...
Surprise : ce bougre de gascon a même ses fans. Sur Lapassionduvin, entre une dégustation de Tariquet justement et un Uby 2004, son "Soyeux d'Hiver" (15 euros) déchaîne l'enthousiasme d'un connaisseur. Le raisin, explique-t-il est récolté de la Toussaint à Noël, par vendanges successives. Il est ensuite pressé dés que la température descend sous zéro pour garder toute l'eau du fruit, selon la méthode des ice-wines. Une merveille me confirme Jean-Baptiste Senat.
Plus loin, aux cotés d'un grand nom de l'Armagnac, c'est son "Montis Regalis" (5 euros) qui suscite l'admiration du très germanique reporter du Stern. Un clic encore, sur le Monde.fr , et c'est son "Magnus" (5 euros) qui fait à son tour le régal d'un critique gastronomique. Dominique Andiran raconte dans un éclat de rire que "ce vin de picole", il l'a fait sur commande, pour son ami Bernard Daubin (à gauche), le chef de Montreal-du-Gers. C'est son fameux "petit rouge qui vient réveiller les papilles".
A ceux là, il faudrait ajouter le "Ruminant des vignes", une vendange mûre de Gros Manseng, sèche comme un coup de trique et vieillie en barrique pendant deux ans. Il faudrait aussi dire un mot de ce "Pissenlit" qui rappelle diablement un vin jaune du Jura. Mais c'est une autre histoire. Et une preuve de plus qu'en fait de Robinson, notre gascon est bien loin de vivre sur une île déserte...
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