Il est 7h30, il fait encore nuit mais la température est douce : 16 C à Cantenac puis 14 C à Moulis où je retrouve Emilie. Habib est là, armé du détecteur de gaz carbonique qui « bip » (mais la valeur affichée n’est pas dangereuse, elle est en dessous de 1,5). Il a ouvert grand les portes du cuvier pour préparer l’espace à l’arrivée de Miloud, son neveu, avec qui il fait équipe cette année. Celui-ci vient de terminer ses études à l’IPC Vins et souhaite partir en Australie ou en Nouvelle Zélande, faire les vendanges dans l’hémisphère sud (en début d’année).
Petite dégustation : nous n’avons que deux cuves pour le moment ; toutes les deux carencées en azote. C’est lié au terroir argilo-calcaire. Il faut rajouter du sulfate d’ammonium car les levures, si elles manquent d’azote risquent de mourir avant la fin de leur mission : transformer tous les sucres fermentescibles en alcool. L’azote fait partie des facteurs de croissance de ces microorganismes qui sont très lunatiques ! Il faut les choyer, les bichonner, leur donner de l’azote au bon moment si le milieu en manque, de l’oxygène par le biais des remontages avec aération et éviter que les températures de fermentation dépassent les 30 C. Les levures sont spéciales, elles fabriquent de l’alcool qui les tue, dégagent du gaz carbonique qui leur pose des soucis (elles sont aérobies : elles ont besoin d’oxygène) et leur activité fermentaire est exothermique : elle dégage de la chaleur !
La première cuve exhale un parfum délicieux de cassis (Habib ne goûte qu’avec l’odorat car il ne boit pas de vin et il a une finesse du sens olfactif telle que la mise en bouche n’est pas nécessaire), la seconde cuve est prometteuse, le fruit commence déjà à s’exprimer, notamment des arômes de framboise.
Par vagues successives, les vendangeurs arrivent. Thierry prend les dernières instructions, nous pose quelques questions et part rassembler ses troupes.
Passage au bureau : il faut faire le café ! Emilie s’en occupe tandis que j’ouvre les volets. Viviane nous manque ; son sourire accueillant nous fait défaut. J’en profite pour brancher mon ordinateur, répondre à quelques mails avant de partir vers Villegeorge où Jean-Denis nous attend. Pendant que nous dégustons, les remontages tournent ; celui de la cuve de la veille tourne sans aération (rentrée hier et levurée le soir, la cuve ne « dégaze » pas encore, la fermentation est à peine commencée).
Nous faisons le point sur les résultats des prélèvements faits par Jean-Denis et Mickaël ; prélever consiste à ramasser quelques grains de raisins sur l’ensemble d’une parcelle puis analyser le jus après pressée manuelle de cet échantillon représentatif. Nous mesurons la quantité de sucre (qui nous donne le degré potentiel) puis l’acidité totale. La couleur du jus est aussi importante, c’est un signe de maturité. Cela nous guide pour décider de l’ordre de ramassage des parcelles.
Troisième station à La Tour de Bessan : passage en revue de nos cuves ; le nombre de remontages s’amenuise. La réception est fin prête pour accueillir les Cabernets Sauvignon.
En fin de journée, bilan de la vendange :
Une cuve de 83 hl à Duplessis, remplie de très belles parcelles de vieilles vignes ; tous petits rendements : nous faisons des paris sur les volumes ramassés. Thierry a une équipe réduite : 6 personnes en moins aujourd’hui. Il fait chaud dans l’après-midi quand les vendangeurs arpentent la parcelle du Chalet ; les conversations se font rares, la fatigue se fait sentir.
A La Tour de Bessan, nous avons rempli une cuve de 150hl de Cabernet Sauvignon ; la dernière remorque arrive vers 18h30.
Nous avons aussi des visites, celle d’acheteurs chinois amenés par Jean-Luc, viticulteur dans l’Entre deux Mers (venu entre le ramassage de ses Merlots et de ses Cabernets !) puis celle de Rémi, arrivé sans rendez-vous, en voisin, finaliser de visu les négociations d’achat, déjà bien avancées par mails interposées. Il représente notre partenaire privilégié et nous tombons d’accord au bout de quelques minutes : chacun faisant un pas pour que ce lien profite aux deux parties.
Une journée bien remplie et un temps magnifique.
Le soleil est déjà en train de se coucher quand les lumières du cuvier s’éteignent.
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