Aucun traité de fabrication des liqueurs contemporain de l'absinthe ne mentionne une quelconque recette d'absinthe par macération uniquement.
Les six plantes de base d'une absinthe sont la grande et la petite absinthe, l'anis vert, le fenouil, la mélisse et l'hysope.
Selon les recettes, d'autres plantes peuvent compléter la recette comme l'angélique, la coriandre, la véronique, le calamus, la menthe... Soit dans le processus de macération (avant distillation), soit dans le processus de coloration (après distillation).
Par distillation
Recette d'un fabricant d'alambics à Môtiers, au Val-de-Travers, aujourd'hui décédé :
Mettre dans l'alambic,
Au début de la cuite, on sent très fort l'alcool; à la fin les odeurs se diversifient. À ce moment là, il faut être attentif et goûter à tout moment la blanquette qui coule blanche parce que l'alcool diminue rapidement. Sitôt que le goût risque de tourner au cachou, il faut retirer le récipient mais continuer de distiller et de récolter tout l'alcool qui reste, parce que ces arrières goûts sont nécessaires à la prochaine cuite donnant à l'absinthe un bouquet complet, harmonieux et velouté.
La qualité de l'absinthe dépend beaucoup de la blanquette, si on la laisse trop couler, l'absinthe aura un goût de cachou. Si on en ajoute trop peu lors de la prochaine cuite, l'absinthe sera fade et insipide.
L'eau que l'on ajoute à l'alcool avant la distillation joue un rôle primordial, c'est elle qui relève le parfum des plantes. C'est pourquoi il faut bien en mesurer la quantité.
Pour colorer l'absinthe de manière naturelle, laisser couler l'absinthe au sortir de l'alambic dans une bonbonne qui contient des plantes de petite absinthe, de mélisse et d'hysope.
Par dissolution d'essence
Absinthe ordinaire
Essence de grande absinthe
Absinthe demi-fine
Essence de grande absinthe
Histoire
Pythagore et Hippocrate (460-377 av. J.-C.) parlent d'alcool d'absinthe et de son action sur la santé, son effet aphrodisiaque et sa stimulation de la création.
A la fin du XVIII siècle, une rebouteuse suisse, la mère Henriot, avait mis au point la première recette d'absinthe qui était un breuvage médicinal dont l'invention a souvent été attribuée à Pierre Ordinaire. Les travaux de Marie-Claude Delahaye ont prouvé qu'il n'en était rien et que cette recette était celle de la mère Henriot. La liqueur d'absinthe comprenait anis, mélisse et camomille.
En 1797, Daniel Henri Dubied et son gendre Henri Louis Pernod, artisans du même village du Val-de-Travers, ouvrirent la première distillerie d'absinthe à Couvet. On trouve dans le livre de raison de ce dernier la première recette d'absinthe apéritive, datée de 1797.
En 1830, les soldats français colonisent l'Algérie. Les "majors" leur recommandent de diluer quelques gouttes d'absinthe dans l'eau pour faire passer les désagréments de la dysenterie. Les soldats s'aperçoivent des autres avantages de cette boisson assez rapidement et la populariseront à Paris lors de leur retour.
Anecdotes
L'incendie de l'usine Pernod, à Pontarlier, le 11 août 1901, permit de découvrir l'origine de la rivière de la Loue. En effet, un employé de l'usine eut l'idée heureuse de vider les cuves d'absinthe au Doubs (rivière), afin d'éviter qu'elles n'explosent. Le lendemain, on en retrouvait des traces (odeur, couleur, goût), à la source de la Loue. On raconte que les soldats en garnison à Pontarlier remplissaient leur casque de ce breuvage... Cet évènement est réputé comme étant la première coloration de l'histoire de l'hydrologie. L'usine est reconstruite et devient une usine modèle.[1]
Le shock rockeur Marilyn Manson a avoué être accro à l'absinthe, car d'après lui c'est le seul alcool qui ne lui fait pas changer sa vision du monde lorsqu'il en boit, c'est le seul alcool qu'il boit. Une absinthe, La Mansinthe, est sortit courant 2007, avec la touche de l'artiste ajoutée dans la recette originelle.
L'interdiction
Cette fée verte connut un vif succès au XIXe siècle[2], mais elle fut accusée de provoquer de graves intoxications, décrites notamment par Émile Zola dans L'Assommoir. Elle est également connue pour son effet abortif
Dès 1875, les ligues antialcooliques, les syndicats, les curés, les médecins, la presse, se mobilisent contre l'absinthe qui rend fou
En 1906, la ligue nationale française antialcoolique recueille 400 000 signatures dans une pétition
En 1907, une grande manifestation a lieu à Paris rassemblant les viticulteurs et les ligues anti-alcooliques. Leur mot d'ordre : "Tous pour le vin, contre l'absinthe".
En 1908, le groupe antialcoolique qui s'est constitué au Sénat veut faire voter trois mesures :
interdiction de l'absinthe
limitation du nombre des débits de boissons
suppression du privilège des bouilleurs de cru
Ceci conduisit à son interdiction dans de nombreux pays, (France le 16 mars 1915, Suisse du 7 octobre 1910 au 1er mars 2005) car les ligues de vertus disaient d'elle qu'elle rend fou et criminel, fait de l'homme une bête et menace l'avenir de notre temps
En réalité, il est clairement dit dans le projet d'interdiction de l'absinthe en France que la boisson est interdite pour lutter contre l'alcoolisme. Extrait : "À diverses reprises, l'Académie de médecine a signalé le grand intérêt que présente, au point de vue de la santé publique et de l'avenir même de la race, l'organisation en France d'une lutte active contre l'alcoolisme. De son coté, l'Académie des sciences a, au cours d'une de ses récentes séances, apporté à ces vues l'appui de sa haute autorité en émettant un vœux pressant en faveur de l'adoption prochaine de diverses mesures propres à enrayer le fléau. Il a paru au gouvernement que le moment était venu d'entrer résolument dans la voie qui lui était ainsi tracée et qu'il convenait notamment de réaliser, dès à présent, une des mesures qui de tout temps ont été considérées, à juste titre, comme pouvant le plus aisément contribuer pour une large part à la restriction du mal : mettre un terme à toute consommation de l'absinthe et des liqueurs similaires."
Après l'interdiction, les anciennes marques d'absinthes se reconvertissent dans des anisés sans sucre qui se préparent comme l'absinthe.
En 1932, Paul Ricard invente le Pastis qui est le premier anisé à connaître un succès presque équivalent à celui de l'absinthe.
En 1988, un décret européen autorise et réglemente la présence de thuyone (huile essentielle de la grande et de la petite absinthe) dans les boissons et l'alimentation, ce qui permet techniquement de produire à nouveau de l'absinthe en Europe.
En 1999, la première absinthe française depuis 1915 est produite : la Versinthe verte, qui contient de la grande absinthe. Son apparition et son étiquetage (absinthe) met en évidence un hiatus entre le décret européen de 1988 et l'interdiction de l'absinthe en France de 1915 toujours en vigueur. Plutôt que d'abolir cette loi, le gouvernement pare au plus pressé en votant un aménagement du décret européen et en attribuant une nouvelle appellation légale à l'absinthe : "spiritueux aromatisé à la plante d'absinthe" et en complétant la réglementation européenne (35 mg/l de thuyone maximum) d'un taux de fenchone et de pinocamphone à ne pas dépasser (respectivement 5 mg/l et 10 mg/l).
Depuis le 1er mars 2005, la distillation de l'absinthe est à nouveau autorisée en Suisse, afin de pouvoir demander une AOC et ainsi protéger l'appellation (à condition, entre autres, que la teneur en thuyone ne dépasse pas 35 mg/l).
L'absinthe aujourd'hui
La liqueur d'absinthe, comme autrefois, titre entre 45 et 75 . Elle est produite notamment dans les distilleries de Fougerolles en Haute-Saône, à Pontarlier, ville dont elle fit la richesse jusqu'à l'interdiction de 1915, et à Saumur par la distillerie Combier. On trouve aussi deux distilleries en Provence. Elle est notamment de nouveau fabriquée au Val-de-Travers (région de Suisse romande) berceau de l'absinthe, dans plus d'une dizaine de distilleries.
Distiller légalement
Depuis le 1er mars 2005, il est possible de distiller de l'absinthe en Suisse tout à fait légalement, soit chez un distillateur "à façon" — il en existe 400 en Suisse —, soit en demandant une concession à la Régie fédérale des alcools, à Berne. Pour l'obtenir, il faut au moins distiller
Les achats d'alcool sont soumis à une taxe : environ 29 francs suisses (20 € environ) par litre d'alcool à 100% en volume. Le distillateur "à façon" doit remplir une "déclaration de distillation" dans laquelle il indique la quantité des matières première (alcool), la quantité des spiritueux produits (absinthe), et la quantité des flegmes (produits de tête et de queue de distillation).
La thuyone
La thuyone est un excitant. Une absinthe légale avec 20-25 mg de thuyone est déjà considérée excitante si l'on dépasse les usages prescrits pour un apéritif au Val-de-Travers, à savoir une absinthe bien tassée avec de l'eau glacée, et ensuite une "rincette", boisson apparentée et plus légère qui remplaçait l'absinthe durant la période d'interdiction, suivie d'un verre d'eau.
Les études contemporaines pour déterminer les effets de la thuyone sur le comportement (entre autres par la Rutgers University) montrent qu'il faudrait ingérer plusieurs litres d'absinthe pour parvenir à une dose toxique de thuyone. Les effets seraient alors bien sûr masqués par les effets toxiques de l'alcool seul.
Il est également probable que les effets ressentis par certaines personnes soient dûs à d'autres composants que la thuyone seule.
La fenchone
La France limite la fenchone (huile essentielle du fenouil) dont le taux ne doit pas dépasser 5 g/l, tandis que le taux de fenchone n'est pas limité en Suisse.
Certaines absinthes du Val-de-Travers, dites "suisses" au XIXe siècle, ne peuvent pas être vendues en France pour cette raison : les graines de fenouil suisse contiennent beaucoup plus de fenchone que le fenouil du sud de la France, avec lesquelles sont produites les absinthes françaises.
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