lundi 12 novembre 2012

"Libertà per Patrimoniu"


Hier, c'était la fête à Patrimonio. Pendant deux jours, adossés aux montagnes du Nebbiu, le regard perdu vers la baie de Saint Florent, les vignerons de la première appellation corse ont célébré leur 40 ans d'"indépendance": les quarante ans d'une AOC conquise de haute lutte "contre l'Etat et les pieds-noirs" (c'est du moins ainsi que Corse-Matin racontait l'histoire, l'autre jour). Car en Corse, c'est bien connu, tout est toujours très politique. Et la bataille fut, parait-il, homérique.

La culture traditionnelle était alors menacée par les "vins de coupage" venus d'Algérie. Lorsqu'arrivent les rapatriés, les subventions et la pratique d'une viticulture débridée, la lutte prend donc des accents désespérés.
"On s'était mis à vinifier n'importe comment, racontent les anciens. Dans les plaines, ils irriguaient les vignes, chaptalisaient (ajout de sucre, ndla). On s'était même mis à "mouiller". A rajouter sans vergogne de l'eau dans le vin ! A l'époque certains poussaient les rendements jusqu'à 200 hecto par hectare..."
Les Arena (Antoine, ci-dessous), dont les ancêtres défiaient déjà Napoléon en 1801, furent du combat que les hommes de Patrimonio menèrent alors... Mais il ne faut pas oublier les Leccia, les Gentile et le clan de Bernardi, qui règne encore aujourd'hui sur le "syndicat". La bagarre - pacifique et administrative - dura près de deux décennies. Alors que sur le continent les premières AOC avaient été décernées en 1936 (en Arbois), Patrimonio devra attendre les prémices du printemps 68 pour obtenir gain de cause. Il était temps... Sept ans plus tard, la coupe débordait à Aléria.

Depuis c'est le 11 novembre que l'on fête l'appellation. A la Saint Martin, sous le clocher de l'Église du même nom. Aujourd'hui, ils sont une trentaine de vignerons à se revendiquer de Patrimonio. Les Historiques... Et de petits nouveaux comme Nicolas Mariotti, dont mon petit doigt me dit qu'il a de l'or dans les mains. Et l'art de vendre sa passion aux caméras de passage...



Et voilà comment, un bastiais perdu dans la grisaille parisienne a retrouvé un "P... de sourire", comme il dit. Et produit désormais ses propres vins, avec la complicité du Domaine Leccia, au coeur du plus beau vignoble de Corse. Un joli passage de témoin. Rien que pour cela, les anciens doivent se dire que la bagarre valait le coup.


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