Très affairé aux vendanges, la tête dans "ses- raisins-ses-jus-ses-fermentations", le vigneron ne prête guère attention au duo qui s'est arrêté en bord de route. La discussion qui se noue entre le maçon et son employé mérite pourtant qu'on s'y arrête.
C'est André qui raconte:
"Mais ils sont fous, s'exclame soudain Manuel, l'ouvrier en bâtiment, effaré. Regarde André tout ce raisin qu'ils laissent par terre! Toutes ces grappes perdues. C'est du gâchis".Le choc des cultures. Dans la bouche d'un maçon, d'ailleurs, le mot ne manque pas de sel. Lui qui "gâche" le ciment à longueur de journée, ne comprend pas que l'on puisse ainsi gâcher le raisin. André, qui connaît la chanson, lui répond dans un éclat de rire:
"Et bien maintenant tu sais pourquoi ce vin là fait partie des meilleurs du coin, lâche-t-il. Parce qu'ils ne gardent que le meilleur, justement..."Et Jean-Baptiste, alerté, de venir expliquer ses critères de sélection. Pourquoi telle grappe, trop petite, pas assez mûre, trop abîmée, n'est pas jugée digne de rejoindre les cuves. Pourquoi telle autre en sera... Lorsqu'on lui explique qu'une vendange en vert précède parfois ce tri sur souche, Manuel ouvre de grands yeux.
"En tout cas, voilà une chose que la machine ne pourra jamais faire", commente André, admiratif.Au bout de la rangée, un cri retentit. C'est un vendangeur qui hésite devant un pied de Carignan. Ramasser ou jeter? Un regard, un coup de menton du vigneron ou de Philippe, son bras droit. La grappe suspecte rejoint les autres au sol. Le conclave silencieux n'a duré que quelques secondes.
"Comme on dit dans le bâtiment, conclut André à l'adresse de Jean-Baptiste... C'est vraiment du beau boulot."Le compliment de l'Artisan à l'homme de l'Art.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire