Après presque une semaine dans la région du Médoc, nous avons déjà visité quelques grands châteaux ayant la mention de grand cru du classement de 1855. Après Lascombes, Parker, Giscours, du Tertre, Cos d’Estournel, Pontet Canet et Mouton Rothschild, nous mettons le cap en matinée vers l’appellation Saint-Estèphe pour la visite du Château Montrose, un second cru classé.
C’est une journée nuageuse mais il y a beaucoup de soleil dans nos têtes à l’idée de pouvoir visiter les installations de cette sublime propriété viticole qui a vu sur la Gironde.
Très bien exposé, sur les bords de ce cours d’eau, le vignoble surplombe l’estuaire
et s'étend sur 94 hectares d'un seul tenant, ce qui est une rareté dans le Médoc. Cette proximité de l’eau est aussi probablement à l’origine de son nom Montrose, (ne pas prononcer le t) car les marins faisant route en bateau vers Pauillac et Bordeaux, reconnaissaient bien les landes de bruyères sauvages qui couvraient alors ce coteau, avec sa jolie teinte à floraison rose.
Rencontre avec le directeur général Hervé Berland |
Accompagné de ma conjointe Barbara et de notre photographe de la journée, Gilbert Martin-Guillou, nous nous sommes donc présentés à notre rendez-vous. C’est nul autre que le directeur du château, Monsieur Hervé Berland, qui nous accompagne pour cette visite. D’une tenue vestimentaire tirée à quatre épingles, notre hôte occupe ces nouvelles fonctions seulement depuis quelques mois. En fait, Monsieur Berland devait se retirer après une carrière de 30 ans au Château Mouton Rothschild. Cependant, il n’aura pas eu le temps de profiter de cette retraite, car une offre des frères Bouygues viendra stimuler son désir à relever de nouveaux défis à Montrose.
En terroir connu
Je dois avouer que j’étais moi-même déjà un peu excité à l’idée de visiter Montrose car j’avais déjà été séduit par quelques dégustations de ce grand cru du Bordelais avec notamment un millésime 1970 qui figure d’ailleurs dans le top 20 de mes vins émotions dans le Guide Griffin 2012. Quant au second vin de la propriété, soit La Dame de Montrose, j’ai eu aussi la chance de déguster ce vin à quelques reprises dans différents millésimes, dont le 1998. Je connaissais donc le terroir de Saint-Estèphe d’un point de vue gustatif et spécialement celui du Château Montrose.
Un coup d'oeil au vignoble de Montrose |
Nous avons donc entamé la visite en parcourant les bâtiments techniques, là où le vin prendra naissance en quelque sorte. Nous allons donc visiter le cuvier. C’est dans de vastes cuves d’acier inoxydable que l’on procède aux fermentations alcooliques et qui durent une vingtaine de jours. On va aussi effectuer plusieurs remontages par jour, dans le but de favoriser l’échange pellicules-pépins/jus. Ensuite, des pré-assemblages entre lots de même cépage, de qualité identique, seront effectués dès les écoulages, avant de procéder aux fermentations malo-lactiques. C’est habituellement au mois de novembre que les dégustations d’assemblage débutent. Les vins sont assemblés dès le mois de décembre et descendus en barriques au mois de janvier. Pour le grand vin du château, l’élevage en fût de chêne français consiste à environ 60% de barriques neuves, issues de plusieurs tonneliers rigoureusement sélectionnés, et 40% en barriques d’un vin. L’élevage dure 16 à 18 mois selon les millésimes. Pour La Dame de Montrose, cette proportion de barriques neuves est environ 15 à 20%, et la durée moyenne d’élevage est de 12 mois. Lorsque nous avons visité Montrose, il y avait aussi d’importants travaux notamment avec la construction d’un deuxième chai ultramoderne qui sera surplombé par une salle de réception et de dégustation. Nous avons visité l’ancien chai qui abrite le millésime 2011 et des employés s’activaient à l'exécution du soutirage des barriques à l’aide d’une chandelle, une opération qui sera effectuée à tous les trois mois durant cette phase de vieillissement. Les deux chais vont donc être utilisés en alternance dans le futur, lorsque les travaux seront terminés.
Plus vert que jamais
Montrose en harmonie avec son environnement |
Je ne m’étendrais pas sur la riche histoire du Château Montrose, je préfère vous convier à visiter la section à cet effet sur le site officiel du Château. Je préfère plutôt vous parler des années plus récentes avec les nouveaux propriétaires du domaine depuis environs 6 ans. C’est d’ailleurs avec le rachat de Montrose en 2006 par les Bouygues, qu’un vaste programme de rénovation du site avec des objectifs environnementaux a été déployé. Les deux frères Olivier et Martin désirent faire de la propriété un modèle et une vitrine des nouvelles technologies en matière de développement durable. Montrose est donc devenu un site qui opère en énergie positive. En effet, on a développé un programme de production énergétique permettant l’équilibre annuel des consommations totales d’énergie finale et la production d’énergie locale à partir d’énergies renouvelables. Ce qui n’est pas facilement visible sur le site, c’est aussi la présence de plus e 3000m² de panneaux photovoltaïques, sur les différents toits des bâtiments, ce qui permet de produire l’équivalent de près de 400kw sur l’ensemble du site. Montrose utilise aussi la production thermo-frigorifique géothermique à partir de l’eau de la nappe phréatique et de la pompe à chaleur eau/eau. On limite aussi le recours à l’eau de ville en pratiquant la récupération des eaux de pluie, recyclage des eaux usées, etc.
On passe aux choses sérieuses…
Après avoir visité les lieux, Monsieur Berland va nous accueillir dans une petite salle de dégustation où quelques bouteilles sont étalées. Monsieur Berland nous propose de faire d’abord la dégustation de quelques vins d’une autre propriété des frères Bouygues acquise aussi en 2006, soit le Château Tronquoy-Lalande. Nous avons l’opportunité de déguster le millésime 2011 de ce vin promu au rang de Cru Bourgeois Supérieur au classement de 2003. Nous goûtons aussi au second vin de ce domaine soit le Tronquoy de Sainte-Anne avec le millésime 2011. Cette propriété viticole de 30 hectares, dont 18 hectares de vignes sur des croupes graveleuses situées face à l’estuaire de la Gironde, figure parmi les plus anciens domaines de la région Saint-Estèphe. Le château existait déjà au 18e siècle parmi les premiers vins rouges qui surent se distinguer grâce aux vertus de leurs terroirs. Nous avons été sérieusement gâtés par la suite en ayant l’opportunité de déguster le Château Tronquoy-Lalande avec le millésime de tous les superlatifs, soit le 2009. Malgré une stature solide et une trame tannique puissante, la finesse et l’élégance était au rendez-vous dans le verre. Il était quand même 10 h 45 am, ce qui n’est pas dans les habitudes de tous de prendre du vin en guise de petit déjeuner.
Le soutirage, une opération délicate. |
Nous n’avions pas encore goûté aux produits du Château Montrose et le plaisir ne faisait que débuter. Nous avons eu la chance de savourer le millésime 2011 de Montrose et de son second, La Dame de Montrose. Nous prenons plaisir à faire tourner ces beaux vins dans leur verre d’autant plus que ce privilège ne sera pas possible aux consommateurs en général avant la commercialisation de ce millésime vers la fin de l’été 2013. Puis comme toute bonne chose n’arrive pas seule, nous voyons devant nous une bouteille du Château Montrose que va nous servir Monsieur Berland afin que l’on puisse goûter à l’apothéose signée Robert Parker. En effet, lors de la révision du millésime 2009 le printemps dernier, le célèbre critique a consacré le millésime 2009 du Château Montrose, par la note la plus élevée soit un 100 sur 100! Inutile de vous dire que je n’ai pas recraché ce vin, dont nous avions l’honneur de découvrir directement à son lieu de naissance. Le Château Montrose 2009 que j’ai aperçu chez un caviste à 320 euros la bouteille figure au sein de 19 crus du bordelais qui ont obtenu la note de 100. La liste de ces 19 vins est disponible par le biais de cet article. Pour Montrose, il ne s’agit pas d’une première pour une note parfaite de Parker, car le 1990 avait aussi obtenu ce résultat. Avec ses 13,7% d’alcool dans le 2009, il s’agit du taux d’alcool le plus élevé pour un millésime de ce grand vin. Avec ses 65% de Cabernet sauvignon, de 29% de Merlot et petites quantités de Cabernet franc et Petit Verdot, il est voué à un potentiel de garde qui pourrait dépasser l’année 2050.
Voilà pour notre début de journée en ce vendredi d’août. Nous allons prendre ensuite notre lunch du midi dans un sympathique restaurant de Pauillac, à La Salamandre. Cela va permettre à nos papilles gustatives de redescendre du nirvana, en attendant notre prochain rendez-vous au Château Beychevelle, dans l’appellation Saint-Julien que j’adore.
Attention: les photos dans ce texte sont la propriété protégée du photographe Gilbert Martin-Guillou.
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