"C'est le travail qui paie, je crois, lâche-t-il du bout des lèvres. Au bout de quatre ans ma vigne est désintoxiquée. Le passage au naturel fait des grains plus petits, c'est vrai. Mais du coup les grappes sont moins gonflées. Les raisins respirent... Ils s'épanouissent mieux. Evidement, la vigne produit moins. Nous faisons à peine 26 hecto/hectares cette année. Mais elle produit mieux... Et c'était le but!".A ma gauche, des Cabernet made in Palacios. A ma droite, les même grappes destinées à la Coopérative d'Arzens. Et au final, deux degrés d'écart en cuve. Presque un monde pour des raisins nourris au même terroir et soumis aux mêmes intempéries.
Cette année, les Palacios ont commencé à récolter début septembre. Pratiquement parmi les premiers.
"Ce qui est essentiel, explique encore le vigneron de la Malepère c'est cette attention permanente que nous pouvons apporter aux vignes. Sur mes quatre hectares, à échelle humaine, tout est plus facile. Je peux décider d'effeuiller dans la journée, si je pense que les raisins ont besoin de plus de soleil. Et c'est pareil pour les vendanges: ici c'est à la carte. Presque de la dentelle".Qu'on en juge: sous la férule du Père de Frédéric, la famille Palacios et leurs amis du village auront fait dix jours de vendanges... Mais étalées sur pratiquement six semaines. Entre les chasans récoltés en deux fois début septembre et les Cabernet du week-end dernier, elles n'auront jamais mobilisé plus de six paires de mains à la fois. Ici, pas question de "brigades de vendangeurs" payés à l'heure et sommés de ramasser au plus vite. A chaque fois, c'est la maturité des raisins qui a donné le signal.
"Il nous est arrivé de ne ramasser qu'une seule journée dans la semaine, sourit Frédéric. Pour un artisan-vigneron comme moi, c'est un vrai luxe..."Une frustration tout de même pour ce perfectionniste. Pour la première fois il était, lui, privé de vendanges. Même si sa hernie discale lui laisse un peu de répit ces jours-ci, le vigneron a fini par se résoudre à regarder les autres travailler.
"Les premiers jours je me sentais un bras en moins, lâche Frédéric. Il me manquait de ne pas ramasser. Mais aussi l'ambiance des vendangeurs, leurs critiques... Est-ce que "ça colle aux mains" ou pas? "Ouh... ca colle, y a du degré!"... Cette vie, ça m'a manqué. La vendange, c'est la dernière ligne droite. Un sprint. C'est le moment où tu donnes tout."C'est donc à distance, caché derrière l'objectif d'un appareil photo, qu'il a regardé épouse, parents, belle-mère et voisines ramasser ses raisins. Sans oublier ses enfants venus pour la première fois partager ce rituel. Comme chaque année Valérie, l'ancienne viticultrice, a trouvé "qu'il y avait bien trop d'herbe dans ces vignes". Chantal, Yvonne et Monique ont papoté en attendant le retour des cagettes. Quand à Eliane et Huguette, elles jetaient des regards attendris à leurs petits-enfants.
"C'était troublant, confie Frédéric. Les gamins, ils ont trouvé très vite les gestes. Très naturellement. Je me suis dit que la relève était peut-être déjà là..."
Pas trop vite tout de même! Pierre-Antoine (7 ans), préfère encore de loin la fréquentation des terrains de foot à la taille des Malbec. C'est en fait Ana (4 ans et demi) qui a manifesté le plus d'appétit pour la vigne. Très attentive, la fillette n'avait qu'une obsession, raconte son père: ne pas abîmer les baies, ne pas "tomber" les raisins à terre. "De si belles grappes", disait-elle, aux adultes avec un air infiniment concentré... "Ce serait dommage de les abîmer, non?".
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