Rien ne distingue la bouteille d'un vin casher de celle d'un autre vin, si ce n'est les minuscules logos (certifications) sur l'étiquette et sur le bouchon de liège nappés de la mention "casher" en lettres hébraïques. Pas de bénédiction sur les cuves, comme on le croit souvent, mais un nettoyage de celles-ci à l'eau bouillante et une liste d'additifs contrôlés (les levures, par exemple), au point que les Américains lui attribuent une vertu "bio ". Rien que du vin, donc, élaboré sous la conduite de l'œnologue maison par l'équipe de "surveillants rabbiniques" ("cha mer" en hébreu), assermentés par les Consistoires des grandes villes de France et du monde, représentants du culte. Car pour être casher, le vin doit être exclusivement "touché" par des juifs pratiquants. Et le raisin? C'est un fruit, donc casher par nature. Il peut donc avoir été vendangé par tous. En revanche, "non juif' ou "juif non pratiquant" ne peuvent élaborer du vin casher. Si les "chomers" transformés en ouvriers vinicoles sont "briefés" sur le plan religieux par les rabbinats, ils n'étudient guère la pratique "acquise sur le tas".
Cantonné exclusivement au culte, le vin casher n'a longtemps affiché d'autres ambitions que d'être une boisson sacerdotale, présente à chaque prière juive (le "kiddouch", prière sur le vin), du shabbat (du vendredi soir au samedi soir) aux principales fêtes qui rythment le calendrier hébraïque ("Roch Hachana" le nouvel an juif, "Yom Kippour", le grand pardon, Pâques ou "Pessah", la commémoration de la fin de l'esclavagisme des Hébreux en Égypte ...). Car, contrairement à ce qui se passe chez les chrétiens, le vin est omniprésent dans la vie religieuse des juifs, mais le plus souvent absent de leur quotidien.
La vérité dans le vin
Aux yeux des juifs, le vin n'est pas une boisson de consommation courante. Sacré, il n'est bu que lors des cérémonies religieuses. Au point que, traditionnellement, une bouteille de vin pouvait servir à célébrer quatre "shabbat" de suite, ce qui, pour le dernier "kiddouch", un mois plus tard, revenait souvent à boire du vinaigre. Parfois, même le jus de raisin remplaçait le vin, car dans le judaïsme, le caractère divin du vin est d'abord issu de la nature "divine" du raisin. Ainsi, la consommation d'alcool des juifs est-elle réduite à presque rien. Pourtant, rien dans les textes sacrés ne l'interdit. À lire la Thora, la Bible des juifs, on s'aperçoit que l'abstinence n'y a jamais été préconisée. Bien au contraire. Un juif pratiquant se doit de se "griser" une fois l'an pour la fête de "Pourim" (sauvetage du peuple juif par la reine Esther, en mars). Lors de cette célébration, l'excès de vin est sensé permettre à chacun de faire symboliquement tomber son masque pour révéler l'intériorité de son être ... Sa vérité sans le vernis social. « Quand le vin entre, la vérité sort», dit le Talmud.
Un autre facteur a favorisé l'essor de la demande de vins casher: la volonté des juifs de France d'affirmer leur appartenance culturelle. Les nouveaux pratiquants ("Téchouva", retour à la tradition) exigent désormais la version casher des étiquettes qu'ils appréciaient jusque-là dans leur version traditionnelle. C'est ainsi que depuis le millésime 2000 (voire 1998), des crus classés de Bordeaux, des Grands crus de Bourgogne, et des vins de maisons de Champagne (Laurent-Perrier, Pommery, Jeanmaire, Charles Lafitte, De Castellane, Vranken ... ) sont disponibles dans leur version casher.
Enfin, le développement de la mention "Mévushal" a également contribué à augmenter la consommation. "Mévushal" ? Cette mention apparaît depuis quelques millésimes sur l'étiquette et indique que le vin a été "désacralisé" avec la méthode de flash pasteurisation qui "fige" le vin. Contrairement aux autres bouteilles casher, la bouteille casher "mévushal" peut donc être débouchée et servie par des laïcs ou des non pratiquants à tous (y compris à des religieux sans perdre son caractère sacré. Le vin se partage plus facilement.
Pas de Smith 2005 !
Cette émulation a des répercutions positives sur la qualité des vins. Mais si le niveau moyen progresse, c'est aussi à cause de la surproduction qui frappe le maître de chai de ce second cru classé depuis 23 ans. Des propos accueillis avec scepticisme par certains puristes, tant les vins casher ont longtemps eu mauvaise réputation, y compris chez les juifs, habitués à croiser des bouteilles indignes.
« L'esprit du terroir de Léoville Poyferré est bien là, les raisins sont vendangés après les autres pour éviter la bousculade entre les équipes, il y a plus de merlot pour s'adapter au "goût communautaire" plus fruité et plus rond, le vin casher est travaillé pour être prêt à boire rapidement (- 30 % d'élevage en barriques neuves) et, enfin, les cépages sont vinifiés ensemble car les quantités sont trop limitées» (1 000 caisses de 12). Mais si la qualité n'était pas au rendez-vous, pensez-vous que j'aurais accepté de coller mon étiquette sur ces bouteilles? ».
Très cher casher
Si la qualité des vins casher tend à rattraper le reste de la production, elle pâtit d'un handicap: son coût de production élevé rebute beaucoup de producteurs. Car la vinification de vin casher nécessite une logistique et une vigilance accrues. L'œnologue du domaine doit ainsi gérer les problèmes techniques (maîtrise des températures, temps de cuvaison ou soutirages) et les équipes rabbiniques, loin d'être toujours formées pour accomplir les tâches qui leur sont assignées. Autant d'éléments qui viennent s'ajouter au coût "naturel" de production :« Les équipes de "chomer" (les surveillants rabbiniques) sont à charge: heures de travail, repas, transports, hôtels. Puis il faut s'acquitter de la taxe rabbinique pour frais de dossier: Cela explique les écarts de prix assez elevés pouvant aller jusqu'à 20 ou 30 % de plus par rapport au vin non casher, sans compter que certaines AOC sont rares et que leurs prix s'envolent dans les linéaires spécialisés. Mais attention: certains confrères, pour réduire la note, limitent la présence des "chomer", donc l'attention portée au vin : les équipes courent d'un domaine à l'autre ... ».
Pas le samedi
Ces coûts sont encore augmentés par les contraintes imposées par le calendrier religieux: interdiction de travailler pendant les fêtes religieuses qui, tombent justement en septembre et en octobre, en pleines vendanges. Quant au repos obligatoire du shabbat. il ralentit considérablement toute intervention nécessaire sur une cuve. Et si l'œnologue maison intervient pour sauver son vin, la cuve "touchée" sera déclassée ou "décasherisée". Le vin réintègrera alors la production du château (ce qui arrive plus rarement depuis que l'on dispose de machines qui remplacent la main de l'homme). Il arrive cependant que les cuves restent en l'état jusqu'à l'arrivée des "surveillants rabbiniques". Ces "ratages" sont parfois commercialisés, les producteurs cherchant à rentabiliser malgré tout les frais importants nécessaires au processus de "casherisation". On comprend mieux pourquoi certains vignerons hésitent à se lancer dans l'aventure ... Rappelons que on ne peut pas comparer la version "laïque" et la version casher d'un même cru. En effet, les différences dans l'élaboration du vin casher donnent au vin casher un caractère différent.
Cantonné exclusivement au culte, le vin casher n'a longtemps affiché d'autres ambitions que d'être une boisson sacerdotale, présente à chaque prière juive (le "kiddouch", prière sur le vin), du shabbat (du vendredi soir au samedi soir) aux principales fêtes qui rythment le calendrier hébraïque ("Roch Hachana" le nouvel an juif, "Yom Kippour", le grand pardon, Pâques ou "Pessah", la commémoration de la fin de l'esclavagisme des Hébreux en Égypte ...). Car, contrairement à ce qui se passe chez les chrétiens, le vin est omniprésent dans la vie religieuse des juifs, mais le plus souvent absent de leur quotidien.
La vérité dans le vin
Aux yeux des juifs, le vin n'est pas une boisson de consommation courante. Sacré, il n'est bu que lors des cérémonies religieuses. Au point que, traditionnellement, une bouteille de vin pouvait servir à célébrer quatre "shabbat" de suite, ce qui, pour le dernier "kiddouch", un mois plus tard, revenait souvent à boire du vinaigre. Parfois, même le jus de raisin remplaçait le vin, car dans le judaïsme, le caractère divin du vin est d'abord issu de la nature "divine" du raisin. Ainsi, la consommation d'alcool des juifs est-elle réduite à presque rien. Pourtant, rien dans les textes sacrés ne l'interdit. À lire la Thora, la Bible des juifs, on s'aperçoit que l'abstinence n'y a jamais été préconisée. Bien au contraire. Un juif pratiquant se doit de se "griser" une fois l'an pour la fête de "Pourim" (sauvetage du peuple juif par la reine Esther, en mars). Lors de cette célébration, l'excès de vin est sensé permettre à chacun de faire symboliquement tomber son masque pour révéler l'intériorité de son être ... Sa vérité sans le vernis social. « Quand le vin entre, la vérité sort», dit le Talmud.
Un autre facteur a favorisé l'essor de la demande de vins casher: la volonté des juifs de France d'affirmer leur appartenance culturelle. Les nouveaux pratiquants ("Téchouva", retour à la tradition) exigent désormais la version casher des étiquettes qu'ils appréciaient jusque-là dans leur version traditionnelle. C'est ainsi que depuis le millésime 2000 (voire 1998), des crus classés de Bordeaux, des Grands crus de Bourgogne, et des vins de maisons de Champagne (Laurent-Perrier, Pommery, Jeanmaire, Charles Lafitte, De Castellane, Vranken ... ) sont disponibles dans leur version casher.
Enfin, le développement de la mention "Mévushal" a également contribué à augmenter la consommation. "Mévushal" ? Cette mention apparaît depuis quelques millésimes sur l'étiquette et indique que le vin a été "désacralisé" avec la méthode de flash pasteurisation qui "fige" le vin. Contrairement aux autres bouteilles casher, la bouteille casher "mévushal" peut donc être débouchée et servie par des laïcs ou des non pratiquants à tous (y compris à des religieux sans perdre son caractère sacré. Le vin se partage plus facilement.
Pas de Smith 2005 !
Cette émulation a des répercutions positives sur la qualité des vins. Mais si le niveau moyen progresse, c'est aussi à cause de la surproduction qui frappe le maître de chai de ce second cru classé depuis 23 ans. Des propos accueillis avec scepticisme par certains puristes, tant les vins casher ont longtemps eu mauvaise réputation, y compris chez les juifs, habitués à croiser des bouteilles indignes.
« L'esprit du terroir de Léoville Poyferré est bien là, les raisins sont vendangés après les autres pour éviter la bousculade entre les équipes, il y a plus de merlot pour s'adapter au "goût communautaire" plus fruité et plus rond, le vin casher est travaillé pour être prêt à boire rapidement (- 30 % d'élevage en barriques neuves) et, enfin, les cépages sont vinifiés ensemble car les quantités sont trop limitées» (1 000 caisses de 12). Mais si la qualité n'était pas au rendez-vous, pensez-vous que j'aurais accepté de coller mon étiquette sur ces bouteilles? ».
Très cher casher
Si la qualité des vins casher tend à rattraper le reste de la production, elle pâtit d'un handicap: son coût de production élevé rebute beaucoup de producteurs. Car la vinification de vin casher nécessite une logistique et une vigilance accrues. L'œnologue du domaine doit ainsi gérer les problèmes techniques (maîtrise des températures, temps de cuvaison ou soutirages) et les équipes rabbiniques, loin d'être toujours formées pour accomplir les tâches qui leur sont assignées. Autant d'éléments qui viennent s'ajouter au coût "naturel" de production :« Les équipes de "chomer" (les surveillants rabbiniques) sont à charge: heures de travail, repas, transports, hôtels. Puis il faut s'acquitter de la taxe rabbinique pour frais de dossier: Cela explique les écarts de prix assez elevés pouvant aller jusqu'à 20 ou 30 % de plus par rapport au vin non casher, sans compter que certaines AOC sont rares et que leurs prix s'envolent dans les linéaires spécialisés. Mais attention: certains confrères, pour réduire la note, limitent la présence des "chomer", donc l'attention portée au vin : les équipes courent d'un domaine à l'autre ... ».
Pas le samedi
Ces coûts sont encore augmentés par les contraintes imposées par le calendrier religieux: interdiction de travailler pendant les fêtes religieuses qui, tombent justement en septembre et en octobre, en pleines vendanges. Quant au repos obligatoire du shabbat. il ralentit considérablement toute intervention nécessaire sur une cuve. Et si l'œnologue maison intervient pour sauver son vin, la cuve "touchée" sera déclassée ou "décasherisée". Le vin réintègrera alors la production du château (ce qui arrive plus rarement depuis que l'on dispose de machines qui remplacent la main de l'homme). Il arrive cependant que les cuves restent en l'état jusqu'à l'arrivée des "surveillants rabbiniques". Ces "ratages" sont parfois commercialisés, les producteurs cherchant à rentabiliser malgré tout les frais importants nécessaires au processus de "casherisation". On comprend mieux pourquoi certains vignerons hésitent à se lancer dans l'aventure ... Rappelons que on ne peut pas comparer la version "laïque" et la version casher d'un même cru. En effet, les différences dans l'élaboration du vin casher donnent au vin casher un caractère différent.
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