lundi 30 janvier 2012

Catherine Bernard : in vino libertas...


Catherine a la voix perchée et le timbre clair. L'enthousiasme communicatif des passionnées et la modestie du néophyte. Cette ancienne journaliste fait du vin depuis trois ans maintenant sur trois petits hectares achetés à crédit du coté de Saint Drézery :
"La vigne, explique-t-elle, c'est une affaire de capital : on est héritier ou déjà riche. Il faut avoir des terres, une cave, le matériel coûte un oeil. Moi, je n'avais rien. Donc j'ai trouvé mes 3 hectares 60 de mourvedre et de grenache (en fait du Marsellan, un métis de grenache et de cabernet-sauvignon sorti des serres de l'INRA, mais on s'était bien gardé de le lui dire, ndla). Je réinvestis tout d'une année sur l'autre. Et je balade mes cuves à droite à gauche."
On s'étonne. A droite à gauche ? Mais elle n'a pas de cave, de domaine où les stocker ? Elle rit de plus belle :
"Non... Rien de tout ça! Je suis une S.C.F.... Sans Cave Fixe : j'ai acheté des cuves, mais elles sont hébergées, année après année, dans les caves des uns et des autres. Les copains journalistes à Paris me disent : "ta vie ça doit être le rêve", ils imaginent le domaine au milieu des vignes. Tu parles! Je vis dans une petite maison en ville, à Montpellier, avec mes deux fils. Je me déplace en tram. Je ne prends la voiture que pour aller dans les vignes. C'est ça mon bureau... La campagne...".
Mais elle ne se plaint pas. Au contraire. Cette vie, l'ancienne correspondante de Libération l'a voulue. Du jour au lendemain, à quarante ans passés, plutôt que de remonter à Paris retrouver la "vie trépidante des rédactions", elle a signé pour une formation d'un an en viticulture et oenologie :
"Je me suis toujours dit, dés toute petite, que j'aurais deux vies. Je vivais dans un village du coté de Nantes, je me voyais agricultrice mais dans ma famille ça passait mal. J'ai donc opté pour le journalisme, tout en rêvant d'horticulture. Et puis j'ai toujours aimé le vin... Il y a des muscadets fameux là haut... Dans le Languedoc, comme journaliste, j'ai découvert la vigne et j'ai fais le lien entre les deux. Parce c'est la Souche qui dit. C'est elle le qui dicte. Je venais d'un monde où l'on croit tout maîtriser, où tout va très vite. J'ai tout appris : l'exigence de la taille. Le silence... Juste le cliquetis des ciseaux dans les vignes. La vigne, il faut apprendre à lui faire confiance. S'en remettre à elle. Pour moi qui suis une grande angoissée et une grande stressée, ça a été une libération : être obligée de m'en remettre... La vigne, c'est une école... J'en vis. Pas au sens financier mais au vrai sens du terme : si il n'y avait pas la vigne tôt le matin, ces moments de silence, je ne pourrais plus. Je péterais les plombs."
Étonnement franche, Catherine reconnaît que la première année l'a gâtée. Mais elle parle aussi sans pudeur de ses ratages :
"2005 ça a été une année superbe. Ça s'est fait tout seul. Un beau vin complexe. Tout de suite mes bouteilles ont trouvé leur chemin chez un type comme Robuchon (photo de droite). Un malheur, en fait... Parce qu'à coté, en 2006, je n'ai eu que des pépins. Le raisin m'a tout fait. J'ai dû sulfiter. Le minimum, mais tout de même. J'ai même sauvé quelques cuves à coup de levures pour relancer la fermentation. Une cata... Une partie des grenaches est carrément partie en vinaigrerie. Et au bout un vin caractériel, fragile, instable."
Heureusement - et du coup on la croit - elle promet aussitôt pour mars/avril ("enfin quand il voudra bien!", comme elle dit) un joli 2007... Un vin facile. Agréable. Équilibré. Mais aussi un drôle de "Coteaux du Languedoc" aux allures de Morgon plus que de Pic Saint Loup. Elle promet aussi ce "claret" qu'elle sort en vin de table et appelle en rigolant sa "grenadine pour adulte". 2000 bouteilles de l'un, 3000 de l'autre. Dix et sept euros, "départ propriété", si l'on ose écrire... Pas de quoi en vivre, en tout cas.

Elle hausse les épaules : "ce qui est fabuleux dans le vin, conclut-elle, c'est qu'on n'a jamais fini d'apprendre. Et pour l'instant, ça me suffit...".

Les habitués retrouverons Catherine Bernard début mars à Mauguio, à l'occasion du troisième Vinum Nostrum.


La taille d'hiver continue

De passage dans le vignoble de la Courone d'Or (Bas-Rhin), nous nous sommes donnés à coeur joie à un exercice de taille hivernal. Le climat étant clément cette semaine, la sortie fût des plus plaisantes, la neige avait fondue et le soleil a même pointé son bout du nez...

Pratique de la taille en Guyot double sur Sylvaner: les deux photos montrent la souche avant et après la taille. 2 baguettes et un courçon ont été laissé sur cette souche.

Le choix du nombre de baguettes et la longueur de taille (nombre d'yeux) est déterminé à chaque souche en estimant l'expression végétative (proportion des yeux laissés l'année d'avant qui se sont développés) ainsi que par une estimation de la vigueur (diamètre des pampres) . La vigueur idéal pour un pampre est d'avoir le diamètre d'un crayon en papier.

Le courçon (baguette taillée sur deux yeux) est à choisir au niveau de la tête de saule, le plus centré par rapport à l'axe de la souche et sert à pérenniser la souche.


Une nouvelle venue en Sorbée


Elle a quatre semaines déjà et se porte parait-il à merveille: Epiphanie (!) est la dernière née de Vouette-et-Sorbée. Comprenez la dernière venue du troupeau... Dans l'Aube, à coté des vignes et du chai, l'étable Gautherot affiche désormais complet. C'était l'idée: "du Steiner à 100%", comme dit Bertrand, fidèle adepte de
la biodynamie.
"Nous avons réussi la "petite boucle", raconte le vigneron. Faire paître des animaux autour des vignes, désherber et, grâce à eux, nourrir le sol de compost issu du même terroir. On a recréé un fil continu: de la bactérie à la plante, de la fleur à la levure et aux champignons. Du sol à la cave... La "grande boucle", ce serait de nous nourrir nous. Mais je ne suis pas sûr d'avoir la force...".
Aveu surprenant dans la bouche de ce jusque-boutiste. Sans doute l'effet des bonnes résolutions du nouvel an... En cette fin janvier pluvieuse, en tout cas, le vigneron s'est fixé un nouvel objectif :
"Ne plus croître! Harmoniser le domaine, vinifier correctement... Et devenir, petit à petit, moins indispensable..."
Steiner, biodynamie, Décroissance, tout cela passe loin au dessus du museau d'Epiphanie, l'"apparition" du 4 février. Sous peu, la petite vache devrait sortir avec ses consoeurs (à gauche, en 2007) brouter la bonne herbe de Sorbée. C'est sa seule politique. Et ce sera sa façon à elle de témoigner son soutien à la philosophie du patron.

Lire aussi à propos des Gautherot : "Bertrand dans les bras de Sorbée", Champagne Blues, ou "Comme un gamin"...