lundi 21 mai 2012

To bio or not to be?


En ces périodes de montées de sève, indéniablement, les cerveaux vignerons sont en ébullition. Être ou ne pas être (bio), dénoncer "l'ennemi phyto" ou défendre sa manière de faire et ses propres vins? "That is the question"...

En Malepère, ces jours-ci, Frédéric Palacios ne peut plus passer devant des vignes traitées sans avoir des haut-le-coeur. Ou sortir son appareil photo, comme il l'a déjà fait ici. Lui qui tombe ses bourgeons à la main, cep après cep, pour choisir le sarment qui portera les plus belles grappes, ne comprend plus ses voisins. A ses yeux, l'ébourgeonnage chimique , même s'il coûte 5 à 10 fois moins cher, est une aberration. Et ces pousses grillées par les produits (à droite) un spectacle inutile.
"Bien sûr que c'est dur, à la main, plaide-t-il. Mais il suffit de se baisser. De donner du temps à ses vignes pour les inciter, en douceur à donner le meilleur d'elles-même... Publie-là cette photo, Laurent, les gens doivent savoir".
Dont acte, Frédéric: désormais ils savent. Mais est-ce à cela qu'ils jugeront tes vins? On en reparlera.

Au même moment à quelques centaines kilomètres de là, en Champagne, Bertrand Gautherot raconte cette confidence d'un vendeur de produits phytosanitaires.
"Demain matin, lui raconte le commercial, je vais traiter onze hectares du coté des Riceys... Mais je sais bien que c'est de la pure forme. Ces vignes sont saines. Aujourd'hui, si j'épands des insecticides, des herbicides, ce n'est pas pour traiter mais pour rassurer le client. Par habitude. Qu'est-ce que je fais: je refuse ? Je perds un client? Un autre le fera. Quoi alors? Le faire, alors que je sais que ça ne sert à rien? Tout ça n'a plus de sens."
Et l'ami Bertrand de se poser à son tour des questions :
"Et moi, que dois-je faire?", m'écrit-il. "Parler et être maudit des vignerons ou me taire et être blâmé, demain, par mes enfants?"
En Alsace, toute la communauté viticole murmure que c'est parce qu'il a rompu ce pacte tacite ("se taire ou être maudit"), qu'un Alsacien très "nature" a retrouvé ses vignes sciées par trois fois en moins d'un an, sous le pied de greffe. Dix ans perdus. Le "sérial coupeur" n'a jamais été retrouvé et la mésaventure de Christian Binner n'a guère fait avancer la cause. Mais elle a fait le bonheur des équipes de télé venues au milieu de ses vignes dévastées faire un reportage saisissant.

Alors, oui, que faire? Dénoncer les abus et les dangers, marteler des slogans, pourfendre la chimie? Ou faire parler ceux qui ont choisi un autre chemin? Ces hommes et ces femmes qui, de plus en plus nombreux, choisissent la modération... L'exigence. La main de l'homme de préférence aux molécules. Même si le chemin est plus escarpé et plus coûteux.

Lorsque un vigneron comme Thierry Allemand (ci-dessous), retourne ses terroirs de Cornas à la pioche et au treuil, parce que ses pentes de 35 à 40 degrés ne permettent à aucun engin de travailler et qu'ils a renoncé aux désherbants, je dis respect. Même si, pour cela, il doit vendre ses Chaillots et ses Reynards 39 et 48 euros la bouteille, ce que je ne peux pas m'offrir.

Lorsque Marcel Richaud, se convertit au bio, par exigence personnelle, alors que "nature" ou pas, il est déjà le "Pape" de Cairanne, je dis chapeau.

Lorsque Maxime Magnon fait revenir un cheval ou un chenillard dans ses vignes, pour évité d'écraser des sols asphyxiés depuis deux générations, lorsque Jean-Baptiste Sénat "décavaillonne" dans une région qui a enterré depuis belle lurette ces pratiques, je les applaudis. Pas par esprit sectaire, ni par nostalgie. Pas non plus au détriment des autres... Mais pour leurs qualités. Parce que ce sont des vignerons honnêtes et exigeants. Parce qu'ils sont précis et que leurs vins sont bons.

A mon sens, cette petite musique là vaut bien le fracas des indignations.

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