mercredi 14 novembre 2012

Coup fourré à Bruxelles


Je discutais "bio" la semaine dernière avec l'ami Anthony Dufour (photo), journaliste trans-pacifique, devenu récemment propriétaire d'un excellent petit domaine en Corbières. Sa réponse me laissa pantois:
"Le bio, c'est bien joli, me dit-il vivement. Mais je m'en méfie comme la peste. C'est un énorme marché, le label est trompeur... Il ne sert qu'à rassurer le client! Je connais de très gros producteurs et d'énormes coopératives qui sont en train de tout convertir en bio, parce que c'est devenu un axe marketing majeur. Et faut voir ce qu'ils font en cave..."
Le bio, cheval de Troyes des grosses coopératives? Stupeur... Et confirmation cette semaine dans le Canard sous le titre: "le bio prend l'eau". Plus grave: selon l'auteur, les mêmes industriels auraient fait avaler à Bruxelles l'idée d'une déréglementation des pratiques de caves. La première mouture du texte arrive en discussion la semaine prochaine, explique le journaliste:
"Vu que pour l'instant la seule obligation pour le viticulteur, c'est de fabriquer son vin avec du raisin bio et peu importe ce qu'on y ajoute après, la nouvelle réglementation autorise tout un tas de pratiques pas bio pour un sou. Exemple: la "flash pasteurisation". Vous chauffez votre moût à 113 degrés pendant trois minutes (ce qui tue toutes les levures et les bactéries qui sont naturellement présentes dans le vin, ndla). Puis vous saupoudrez le nectar de levures qui vont en façonner le goût (...) selon les standards du marché".
Exit l'esprit du bio, qui veut qu'on travaille ses vignes au plus près du terroir et du millésime. Adieu les vendanges millimétrées pour obtenir le meilleur raisin et permettre à toutes ses qualités naturelles de s'exprimer en cave, sans artifice... Demain on pourra se bombarder "bio" et sentir la banane ou la grenadine de synthèse. Se dire "Agriculture Biologique" et tabasser tranquillement ses cuvées avec des levures aromatisées type "IOC Révélation Terroir" (pour intensifier le fruit d'un Pinot noir) ou "IOC R 9005" (pour renforcer la perception des tanins dans le merlot). Entre le bio des gros et celui - sincère - des artisans-vignerons, c'est le consommateur qui va avoir mal à s'y retrouver...


A propos de la bagarre du bio et/ou de Bruxelles, on peut lire aussi: "Le retour de Torquemada", "La divine surprise" et "Au nom du rosé" et "To bio or not to be"

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