mercredi 5 décembre 2012

Japon et Sake

Le Japon
Au Japon, chaque saison possède, pour chacun de ses mois, une appellation particulière. Pour le chef cuisinier, ces mois sont des référents symboliques indissociables des ingrédients et des couleurs utilisés dans ses plats. On produit du vin au Japon depuis des siècles, c´est notamment notamment lors de l´époque Edo, qu´est apparu le cépage local blanc, le koshu.

Le vignoble est pour l´essentiel situé au sud-ouest de Tokyo, dans la région viticole du Mont Fuji. On y produit bien sûr le koshu, même s´il est peu à peu concurrencé par les cépages mondiaux tels que le merlot ou le Chardonnay. De nombreux essais sont aujourd´hui pratiqués afin de croiser le koshu avec différentes variétés occidentales. Le kaï blanc est ainsi obtenu par un croisement avec le pinot blanc, quand le kaï noir est issu d´un croisement avec le cabernet sauvignon...
Chef sommelier des restaurants d’Alain Ducasse, Gérard a inscrit à la carte du Spoon, à Paris, trois cuvées, dont le koshu sur lies.
Shinya Tasaki, ne fut-il pas consacré meilleur sommelier du monde en 1995 ? Concrètement, la culture du cépage koshu, près du mont Fuji, dans la vallée de Kofu (à l’ouest de Tokyo), commença en 1186 : les raisins n’étaient alors destinés qu’à la table. Il faut attendre 1879 pour voir apparaître au pays du Soleil-Levant les techniques de la viticulture et de la vinification, apprises chez nous par deux gaillards, Takano Masanari et Tsuchiya, lors d’un long séjour. En raison du climat chaud et humide, des hivers rigoureux et des vents salés, la plante est conduite en pergola pour préserver les raisins de la pourriture.

Que dire de la cuisine japonaise? Qu'elle est beaucoup plus riche et variée qu'on ne le croit. Elle ne se cantonne pas uniquement aux poissons crus, si succulents soient ils : on trouvera ici des recettes de fondues, de viandes en sauce sucrées, d'omelettes …
La cuisine japonaise semble inspirée par les conseils de Curnonsky "Faites simple" et "Laisser aux choses le goût de ce qu'elles sont". Il n'existe pas de préparations très compliquées. Toute sa finesse réside dans l'utilisation de produits ultra frais, au fil des saisons. Tant pis s'il faut manger un poisson sur une courte période, jusqu'à plus faim, puis attendre un an pour recommencer.
Ne pas oublier que la cuisine est également une esthétique : la qualité de la présentation et de la vaisselle sont primordiales. "La cuisine japonaise, a-t-on pu dire, n'est pas chose qui se mange, mais chose qui se regarde..." (Tanizaki Junichiro, Éloge de l'ombre).
Comme en France, il existe des cuisines régionales et des cuisines différentes selon les couches sociales, la cuisine a évolué au fil des siècles, selon les influences d'autres nations.


Saké
En français, le mot saké désigne une boisson alcoolisée japonaise. Il s'agit d'un alcool de riz, produit comme la bière par fermentation répétée, titrant de 14 à 17 . En japonais, bien que ce même terme sake (酒 ou お酒) désigne cette boisson, son sens peut s'étendre selon le contexte à toute boisson alcoolisée, aussi les Japonais utilisent-ils parfois le terme Nihonshu (日本酒, textuellement : « alcool japonais »), pour être plus spécifique.

Alignement de barils de saké au temple d'Itsukushima



Qu'est-ce que le saké ?
Bien que parfois abusivement baptisé Japanese wine par les Japonais eux-mêmes, le saké, au sens strict de Nihonshu, est une « bière de riz », c’est-à-dire une eau de source dans laquelle on a fait étuver et fermenter du riz, à l'aide d'un « levain » traditionnel appelé kōji (麹), comme le fait la levure de bière.
Cet agent de saccharification est un champignon ascomycète, le kōji-kin (麹菌), dont le nom scientifique est Aspergillus flavus var. oryzae.
La proportion de kōji est importante : au moins 15 %.

La qualité d'un saké dépend de trois facteurs essentiels définis par la formule waza-mizu-kome :
le savoir-faire (waza) du maître brasseur ;
la qualité de l’eau (mizu) ;
la qualité du riz (kome) et le degré de son polissage.
Les proportions requises sont 80 % d'eau et 20 % de riz. Les riz sont soigneusement sélectionnés parmi une cinquantaine de variétés à saké, les plus prestigieux étant le Yamada-nishiki (山田錦), Omachi (雄町), Gohyakuman-goku (五百万石) et Miyama-nishiki (美山錦).

Le riz est poli pour le débarrasser des graisses et de l'albumine, jusqu’à ne laisser que le cœur du grain, riche en amidon. Ce pourcentage, exprimant le résidu, varie d'un type de saké à l'autre (de 35 % à 7 6% du grain initial). Plus le grain est poli (fraisé), plus le taux résiduel ou seimaibuai (精米歩合) sera bas, et plus le saké sera fin.

Voici un exemple d'étiquette pour un saké de qualité supérieure, avec sa traduction :

日本酒度+5(辛口) Nihonshu-do+5 (sec)
酸度1.4(芳醇) Acidité1,4 (moelleux)
アルコール度15.5% Taux d'alcool15,5
使用米美山錦 Riz utiliséMiyama-nishiki
麹出羽燦 KōjiDewa-zakura
精米歩合50% Seimaibuai 50 %
使用酵母小川酵母 Levure utilisée Ogawa
楽しみ方冷やして Mode de dégustation : frais (rafraîchir)

Sauf exception, le saké ne se conserve pas plus d’un an après sa mise en bouteille.
Chaque région du Japon a son cru : les régions de Niigata et de Aomori sont très renommées, mais de modestes jizake (sakés de pays) réservent de bonnes surprises.

Des appellations incontrôlées
Le saké n'a donc rien à voir avec les eaux-de-vie de patates ou de grains (50-60 ) servies dans les restaurants chinois et vietnamiens d'Europe, appelées abusivement ou naïvement saké par les clients. Il s'agit le plus souvent d’eau-de-vie de riz « Mei kuei » ou Baijiu (白酒), chinois ou de « Lo-moï » vietnamien. Enfin, l'agent qui est à la base de leur transformation en alcool est un autre champignon, Choum-choum (Rhizopus oryzae).

Évidemment, le pragmatisme et la convivialité des restaurateurs font qu'ils ne corrigent jamais les appellations erronées, même si le mot saké n'existe pas dans leur langue.

Historique

Baril de saké en offrande au temple Meiji, TokyoOn pense que le Baijiu aurait vu le jour en Chine, dès la Haute Antiquité (2000 ans avant J.C.), dans la vallée du fleuve Yangtsé.

La fabrication du saké de riz aurait été introduite de Chine au Japon peu après la riziculture, à la période Yayoi (IIIe siècle), se propageant d'ouest en est à partir de Kyūshū et Kinki. L'inoculation du ferment était des plus primitives, dite kuchikami (口噛み mâché dans la bouche), les céréales cuites étant saccharifiées par la salive, et la fabrication du saké se disait kamosu, dérivé du verbe kamu (mâcher, mordre).
Au VIIIe siècle (période Nara), le saké reçoit ses lettres de noblesse par un édit de la cour impériale, en même temps que les deux religions niponnes codifient son caractère sacré, en l'intégrant à certains rites.
Au IXe siècle (période Heian), le Enkishiki décrit un procédé de fabrication d'une dizaine de sortes de saké faits de « riz additionné de kōji et d'eau » et fournit des indications sur le chauffage.
De la fin de la période Heian à la période Muromachi, la demande en saké croissant vertigineusement, son prix dépasse celui du riz. Prenant le relais de la cour impériale, les temples fabriquant du saké se multiplient.
Osake no nikki (Journal du saké) rapporte la découverte du double ensemencement. Le précurseur du saké actuel était né.
Au XVe siècle, à Nara, la fabrication de grandes cuves donne un coup de fouet à la production de masse et de nombreux « saké de pays » (地酒) voient le jour. Le saké « Morohaku » de cette époque était presque identique au saké moderne.
C'est dans la période Edo qu'un brasseur de Nada découvre l’importance de la minéralité de l’eau sur la qualité du saké.
À la période Meiji, l'Institut national des fermentations est fondé et la chimie s'impose, ainsi que la plupart des matériaux modernes.

Catégories de saké

Un bol de NigorizakeSeishu est l'appellation officielle pour distinguer le nihonshu des autres alcools. Il est divisé en quatre grandes catégories de saké en fonction de leur nature :

Nigorizake (濁り酒 « trouble, nuageux, brut ») : C'est un saké non filtré, à l'ancienne. Il est moins alcoolisé et de saveur douceâtre, sa consommation reste marginale.



Namazake (生酒 « cru ») : désigne tout saké non pasteurisé (chauffé une seule fois avant l'expédition), quelle que soit sa catégorie. Ceci est rendu possible grâce aux progrès de la filtration. De saveur piquante et rafraîchissante, il se consomme froid.

Futsūshu (普通酒 « standard, de table ») : C’est le saké le plus consommé (deux-tiers de la production), aucune contrainte de taux de polissage du riz, ni d'additifs ne lui est appliqué. Il peut même être dilué et mélangé à l'affinage. Il est le plus souvent consommé chaud (kan, hitohada, atsukan).

Tokutei-meishōshu (特定名称酒) : équivalent de notre « appellation contrôlée, de qualité supérieure »). Environ 20 % du marché. Il réunit les appellations contrôlées suivantes, en fonction du seimai-buai (pourcentage de riz restant après polissage, de l'addition ou non d'alcool et de la technique de brassage) :

Honjōzo-shu (本醸造) : seimai-buai à 70%, kōji 15 %, et addition d'alcool distillé avant la filtration. C'est le plus vendu des sakés supérieurs ;

Junmai-shu (純米酒 « pur riz, sans alcool ajouté ») : autrefois astreint à un seimai-buai de 70 % minimum, il est à présent libre (à condition de préciser le taux sur l'emballage), ce qui a motivé la création de sous-catégories :

tokubetsu-junmai-shu (特別純米酒 extra pur) ;
junmai-ginjōshu (純米吟醸酒), garantissant un seimai-buai inférieur à 60-70 % ;
Ginjō-shu (吟醸酒) seimai-buai de 60 %, à fermentation lente à basse température ;
Daiginjo-shu (大吟醸酒) : saké plus raffiné (seimai-buai de 35 % à 50 %), à brassage artisanal, mais additionné d'alcool ;
Junmai-daiginjo-shu (純米大吟醸酒) : comme ci-dessus mais sans addition d'alcool. C'est le sommet de l'art du brassage, donnant un bouquet subtil mais aromatique, une saveur fruitée-complexe, et... une dépense en conséquence.

Température de dégustation
Hiya (冷) : saké servi froid (8 à 12 ), surtout pour les grands crus ou les jizakés servis à l'apéritif
Kan (燗) : saké chauffé (dans son tokkuri ou dans un grand verre), traditionnellement au bain-marie mais, de nos jours, de plus en plus au four à micro-ondes (qui disposent tous d'un programme kanzake). On peut préciser à la commande :
Atsukan (熱燗) : chauffé à 50 , peut être agréable comme un grog en hiver, contenant moins d'alcool car il s'en évapore plus, à réserver aux sakés de table ! ;
Hitohada (人肌, textuellement "peau humaine") : chauffé à température du corps, soit 36-37 , température qui met en valeur certains plats ou… certaines intimités.

Qualités organoleptiques
Nihonshudo (日本酒度) : échelle hydrométrique allant de +10 (sec) à -20 (doux, moelleux)
Parfois réduite à la mention amakuchi (甘口, doux) ou karakuchi (辛口, sec), et deux valeurs intermédiaires, yaya-amakuchi, yaya-karakuchi ;
Sando (酸度) : échelle indiquant le degré d’acidité du saké (exprime en millilitres la quantité d’hydroxyde de sodium qu'il faudrait rajouter à dix millilitres de saké pour obtenir un pH neutre (7))
Seimai-buai (精米歩合) : chiffre indiquant le pourcentage de riz perlé restant après le polissage, en général entre 30 et 70 %

Récipients
Tokkuri (徳利) : pichet à saké en porcelaine, rarement en verre ou en bambou;
Sakazuki (杯) : petite coupe à saké (sans pied) en porcelaine ou plus rarement en bois, dans une mesure à riz (carrée) comme lors du mariage shintoïste

Autres termes
Genshu, (原酒) : saké pur, sans addition d'eau au moment de l'expression du moromi. Il titre à 18-20 .
Moromi (諸味) : nom que prend le kōji dans la seconde étape, après ajout de l'eau, pour former un moût. Le terme s'applique au saké (moût alcoolique) comme au shōyu.
Kasu (粕) : terme désignant les lies résiduelles de saké, de miso, ou autres, utilisées comme saumure ou engrais.
Kura ou Sakagura (酒蔵) : désigne la brasserie (équivalent de cave et chais pour le vin).
Kuroshu (黒酒) : saké à base de riz complet, non décortiqué (玄米), proche de la méthode chinoise.
Koshu (古酒) : « vieille réserve », saké spécial de couleur jaunâtre et saveur mielleuse, se conservant 10 à 20 ans.

Sources :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Sak%C3%A9
http://www.midorinoshima.com/
http://www.boiredusake.com/

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