vendredi 7 décembre 2012

Le vin de Messe

Si le vin a une dimension religieuse pour les Juifs, aucune religion monothéiste ne lui accorde un caractère plus sacré que la religion catholique romaine. Rappelons l'importance du vin partagé lors de la messe: l'Eucharistie, moment fort, s'opère sous deux espèces, pain et vin. Le vin est contenu dans un petit récipient en verre, la burette. Le prêtre y ajoute une goutte d'eau, geste symbolique signifiant l'humanité du Christ sauveur unie à sa divinité. Ce mélange se fait dans un ou plusieurs calices aux formes et contenances très variées. À ce moment de la messe, le prêtre élève le calice devant les fidèles. Il y a là un plan mystique fondamental: le catholique ne reconnaît plus alors le vin comme du vin, mais comme le sang du Christ. C'est un des plus grands mystères de la religion. Dès lors, la communion peut avoir lieu. Le prêtre consomme un peu de ce vin ainsi que l'hostie, qui représente le corps de Jésus. Signalons aussi que ce vin est employé pour purifier les doigts de l'officiant, sous-diacre ou diacre. Il entre encore dans la confection de l'''eau grégorienne" lors de la consécration des églises et de leurs autels. Voilà pour les rituels.

L'ASCENSION DES VINS BLANCS
De quel vin s'agit-il? Les Autorités de l'Église sont catégoriques: l'Eucharistie réclame du vin et aucune autre boisson, si agréable soit-elle. Un vin naturel ne souffrant aucune adjonction afin de ne pas corrompre le fruit de la vigne. En 1896, la Sacrée Congrégation a cependant autorisé l'adjonction d'alcool de vin à la demande de nombreux missionnaires (Brésil, Chine, Afrique, etc.) soucieux de mieux conserver leur vin de messe (à condition que l'assemblage fortifié ne dépasse pas 18 d'alcool). Quant à l'eau, l'adjonction doit être minime. Rouge ou blanc? Pendant des siècles - et par analogie au sang, ce fut du vin rouge. Récemment, l'usage du vin blanc s'est généralisé en raison du pouvoir tachant du rouge qui souillait les aubes et les linges de messe. Mais la principale difficulté, depuis toujours, restait de conserver le vin entre deux offices. Il fut un temps autorisé de le soumettre à ébullition (1890) ou d'y ajouter du sucre de canne. Et aujourd'hui? On se fournit en vins liquoreux, plus propices à la conservation.

Un document officiel de l'Église, "Vinum Sacramentale", rnis à jour au début du XX' siècle, détaille les fraudes qui annulent la valeur sacrée de l'Eucharistie et plongent le prêtre coupable dans le péché. Parmi celles-ci: l'adjonction d'eau ou de teinture d'orseille et autres colorants végétaux plus ou moins exotiques; l'adjonction d'alcool non vineux (maïs, blé, etc.) ; l'adjonction de goudron (certains y avaient donc recours !) ; les sels de cuivre, sauf s'il s'agit d'un traitement bien intentionné de la vigne; l'adjonction de plâtre au-delà de 2 grammes par litre; de chlorure de baryum, d'acide salicylique ou de saccharine en qualité de conservateurs. Mais il y a pire: certains prêtres, dans des pays dépourvus de vignes, avaient imaginé, en toute bonne foi, de remplacer le vin par du cidre, de la bière ou des boissons locales. Odieux péché! L'interdiction fut totale, avec adjonction de pénitences. Les Autorités religieuses firent appel à des experts pour dépister les fraudes à l'aide de réactions chimiques adaptées. Un tribunal antitromperies se mit en branle jusqu'à ce que l'usage du vin blanc s'impose comme la règle. En résumé, ne peut être utilisée que la « liqueur produite par la fermentation sucrée du moût de raisin frais ». La lie ne peut, en aucune façon, être utilisée pour célébrer la messe. Idem pour le verjus. Le vinaigre? Saint Ignace de Ligori ne voulait pas en entendre parler. À propos du "demi-vin" (obtenu en jetant de l'eau sur la masse de raisins à peine écrasée), il subsiste un doute. «Mais le fait qu'il y ait doute n'interdit pas d'user d'une liberté et l'interprétation la plus favorable doit être appliquée, car pour affirmer le contraire, il faudrait une décision motivée de la Sacrée Congrégation du Saint Office », précise le texte. Amen.

À noter que les "vins suralcoolisés" - malaga, madère, porto, marsala, sherry-brandy, etc. issus de la vigne sont parfaitement aptes à représenter le sang du Christ. À consacrer avec modération ... Le vin aromatisé n'est licite que si l'adjonction est« à peine perceptible ». Quant au vin congelé, situation fréquente dans les régions polaires, il ne sera consacré que «s'il est liquéfié par une chaleur douce ». Détail piquant, ladite Sacrée Congrégation signale que le «vin artificiel en terre barbare» peut être fabriqué à partir d'eau et de raisins séchés. Mais le raisin doit« être sorti après 10 heures au maximum, placé dans un linge et le jus aussitôt exprimé à la presse ».

CUVÉE LIWRGIQUE AU PUY-EN-VELAY

Les amateurs le savent-ils? Il existe en France une abbaye, Notre-Dame-des-Neiges l'), spécialisée dans la production de vin liturgique conforme aux règles catholiques romaines. Niché à SaintLaurent-les-Bains, au fin fond du Gévaudan, dans un écrin de forêts, entouré de reliefs, ce lieu de retraite pour des cisterciens trappistes n'accueille plus aujourd'hui que vingt moines. Mais ces murs humbles et silencieux ont accueilli le père de Foucauld et Robert Schuman pendant les guerres. Un laïc œnologue compétent dirige les opérations vineuses. Les chais, remarquables, abritent des foudres énormes. Les raisins proviennent des vignes de Bellegarde près de Nîmes (cépage muscat) ; ils sont convoyés par la route à Saint-Laurent-les-Bains. Là s'effectuent la vinification et l'élevage des futurs vins de messe. L'abbaye fournit un négociant installé non loin de là, au Puy-en-Velay, depuis le XVIII' siècle: la Clergerie du Sud-Est. Cette maison vend environ 6000 bouteilles par an aux religieux en France, dont la nouvelle cuvée Ictus (100 % muscat à petits grains) de Notre-Damedes-Neiges, apparue au catalogue de 2006
Source : La RVF

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